mardi 2 juin 2009

Introduction boursière pourrie 2/2


Nous vous avons présenté récemment la méthode de recherche de titre de l'investisseur dans la valeur Paul D. Sonkin dénommée les introductions boursière pourries. Comme promis, voici un exemple.

Introduite en bourse le 29/01/2007 à 5,53 EUR, Auto Escape était valorisée 28,83 M EUR. Dans la note d'opération que vous trouverez ici, les raisons évoquées de l'introduction en bourse sont les suivantes :

"AUTO ESCAPE inscrit son introduction en bourse dans une logique de financement de la croissance. Le produit net de l’augmentation de capital devrait être essentiellement consacré :

• au développement en Europe par le biais de créations de filiales ou d’opérations de croissance externe en fonction des opportunités, pour plus de la moitié des fonds levés. Le Royaume Uni, le Bénélux et l’Allemagne constituent les cibles prioritaires ; l’ouverture d’une filiale au Royaume Uni devrait intervenir avant la fin du premier trimestre 2007.


• à la consolidation des moyens humains, technologiques, marketing de la Société pour accompagner son fort développement, pour le solde des fonds levés.


Cette répartition est donnée à titre indicatif, la société se réserve la possibilité de répartir les fonds différemment en fonction de l’évolution des produits, de la concurrence, des opportunités qui pourront se présenter et le cas échéant, en cas de limitation de l’augmentation de capital à 75%.

En outre, la Société considère que son introduction en bourse lui permettra d’asseoir sa notoriété auprès des clients et des partenaires et constitue de plus une opportunité d’associer ses salariés à son développement."

Ces raisons paraissent légitimes et seront bel et biens les objectifs que la société releva les années suivantes. Néanmoins, il semble important de préciser que lors de cette introduction, de nombreux titres de la part des fonds qui ont participé à un LBO sur Auto Escape ont pu sortir en partie à bon compte. Comme vous pouvez le voir sur le tableau ci-dessous, seuls les dirigeants ont gardé tous leurs titres. Ils n'ont donc pas "profité" de cette mise sur le marché pour "s'alléger", ce qui est un signe quant à leur optimisme dans leur société. Nous reviendrons sur ce point par la suite.

Nous allons maintenant vous présenter le graph de Auto Escape depuis son introduction.


Tout d'abord, il est bon de se rappeler que Auto Escape a été introduit début 2007, en plein marché haussier, c'est-à-dire au meilleur moment pour l'entreprise - respectivement au pire pour les investisseurs. L'offre a été entièrement souscrite et le titre s'est bien apprécié dans les premiers mois jusqu'à atteindre une valeur de 7 EUR en juin 2007.

Il s'en est suivi après une longue descente aux enfers. De 7 EUR en juin 2007, on atteint un premier plus bas en mars 2008 à 2 EUR : le cours a été divisé par 3,5 en l'espace de 9 mois !

Mais que s'est-il passé ? A coup sûr, les investisseurs ont eu une mauvaise surprise, la société a dû diffuser des chiffres moins bons qu'espérés et/ou promis lors de l'introduction en bourse.

Et non. En fait, durant cette période, la société n'a pas cessé de montrer son optimisme tant sur ses acquisitions en Europe que sur son carnet de commande. Vous trouverez l'ensemble des communiqués ici.

Au contraire, le CA a toujours été annoncé en croissance de 20% minimum... Certes, les résultats semestriels sont structurellement négatifs, étant donné que Auto Escape réalise une grosse part de son activité l'été et que les coûts fixes sont les mêmes tout au long de l'année. A part cela rien de négatif à signaler.

La vérité est en fait complètement décorrélée des fondamentaux de la société. Nous entrons en 2008 en pleine crise financière et ce sont les petites valeurs qui souffrent le plus de la désaffectation du marché par les investisseurs.

De mars 2008 à février 2009, le cours va fluctuer entre un plus haut de 3,15 EUR le 10/07/2008 et un plus bas de 1,50 EUR le 10/10/2008.

Revenons un peu sur l'activité de la société. Auto Escape est un courtier en ligne de location de voitures à destination des particuliers à travers le monde. La société n'a aucun actif corporel propre lié à son activité, puisqu'elle utilise la flotte des loueurs de la place à travers le monde. Son savoir-faire réside dans sa capacité à trouver des clients complémentaires qui ne s'adressent pas directement à ses grands loueurs. Ainsi tout le monde est content, le loueur qui optimise sa flotte et Auto Escape qui "place" les voitures des loueurs à des consommateurs qui ne se seraient pas adressés directement à un loueur classique du fait du lieu insolite de location, de la possibilité de louer à l'étranger, ...

Depuis l'introduction en bourse, Auto Escape a non seulement signé des partenariats d'exclusivité avec des loueurs comme Rent-a-Car pour permettre à leurs clients de pouvoir louer un véhicule à l'international, mais a également négocié des exclusivités de distribution avec des agences de voyages et tour opérateurs online tels que Auchan Voyages et Promo Vacances.

Par ailleurs, comme indiqué lors de l'introduction, la société a utilisé le cash qui a été levé pour faire de la croissance externe en Europe, notamment en Italie avec l'acquisition de l'italien JKCA.

Au niveau de la structure financière, là aussi, il n'y a rien à redire. A fin septembre 2008, la société n'a aucune dette et a même une trésorerie nette supérieure à 12 M EUR. Cerise sur le gâteau, le BFR d'Auto Escape est structurellement négatif car les clients paient la prestation avant que celle-ci soit réalisée et payée par Auto Escape. Ainsi, la société n'a aucun besoin de financement et peut même autogérer sa croissance.

C'est peut être la rentabilité qui a pu décevoir les investisseurs (hypothèse). En effet, en phase de forte croissance externe et de structuration de ses actifs (site internet + call center), avec un CA de 26,6 M EUR en 2008, le résultat net ne ressort qu'à 0,5 M EUR, soit une marge nette de 2%. Cela paraît a priori faible, mais il faut garder en tête que la société a beaucoup investi pour assurer sa croissance externe et que les coups fixes d'abord élevés finiraient par être absorbés par l'effet taille. Les économies d'échelle ne se produiront en fait que lorsque la société atteindra la taille critique.

En quoi est-ce une introduction boursière pourrie ?

En réalité, nous supposons que la véritable raison de l'introduction était de rendre possible la sortie partielle des fonds qui ont investi historiquement dans la société. Quand on voit le niveau de trésorerie et la croissance de son marché, on estime que Auto Escape aurait très bien pu autofinancer sa croissance.

Le cash qui a été levé en janvier 2007 était donc "non nécessaire". Mais pour que le titre devienne une introduction boursière pourrie, il faut que son cours s'effondre sans raisons apparentes. Et c'est le cas pour Auto Escape.

Un membre du groupe qui suivait le titre a ainsi commencé à acheté des titres en novembre 2008, puis en décembre jusqu'à ce que le titre représente 25 % de son portefeuille:

"le business modèle me semblait pertinent avec un BFR négatif en pleine crise financière où le cash est roi. A moins de 2 EUR par titre, la société était valorisée moins de 10 M EUR, soit en dessous de se trésorerie nette. Ca me semblait d'autant plus étonnant que la société annonçait un CA encore en croissance et des réservations à la hausse. Je continuais donc tranquillement d'acheter des titres."

Bonne surprise ! Le 03/02/2009, la société annonce un projet de retrait de la côte à 2,80 EUR. Une misère pour les petits porteurs qui ont participé à l'introduction, le jackpot pour ceux qui ont acheté sous les 2 EUR.

Quelles conclusions peut-t-on tirer de cette histoire ?

On peut lire sur certains forums que les dirigeants ont agi "comme des voleurs". Nous pensons au contraire que si nous prenons le point de vue de la société, la gestion est excellente. Ils ont réussi à tirer du cash à 5,53 EUR par titre et rachète les titres à 2,80 EUR.

Mais alors, qui blâmer ?

Certes l'investisseur qui a acheté des titres fin 2008 a réalisé un bon rendement à une période d'extrême tension. En 2 mois, il a été possible de réaliser un rendement de plus de 60% avec une marge de sécurité excellente du fait de l'abondance de la trésorerie. Pour autant, il est logique qu'il ait apporté ses titres à l'offre de retrait.

Ce sont davantage les investisseurs individuels "historiques" qui apportent leurs titres à 2,80 EUR qui se tirent eux-mêmes une balle dans le pied. La valeur intrinsèque du titre Auto Escape est bien entendu supérieure à 2,80 EUR. Et nous ne pouvons que féliciter les actionnaires individuels qui n'ont pas apporté leur titre à l'offre qui s'est clôturé le 01/06/2009 en espérant qu'ils soient assez nombreux - plus de 5% - pour que le titre ne soit pas retiré de la côte et/ou qu'une seconde offre plus représentative de la valeur réelle du titre soit présentée au marché.

Finalement, quelque soit l'issu de cette histoire, les grand gagnants sont les fonds et les managers qui auront, quoiqu'ils adviennent, réussi à récupérer un nombre de titres conséquent à 2,80 EUR.

Si vous aussi, vous avez fait de bonnes affaires avec des introductions boursières pourries ou que vous avez détecté une valeur comme étant une introduction pourrie, n'hésitez pas à nous en faire part via les commentaires.

7 commentaires:

Anonyme a dit…

Un point à rectifier :
Ce n'est pas Auto Escape qui, "le 03/02/2009, annonce un projet de retrait de la côte à 2,80 EUR", mais Miromesnil Gestion, la holding de reprise contrôlée par les fonds gérés par Montefiore Investment. Autrement dit, Auto Escape n'a pas été l'initiateur de l'offre, ni du projet éventuel de retrait de la cote.

Valeur et Profit a dit…

Bonjour,

Comme vous pouvez le lire ici : http://www.autoescape.com/finance/docs/declaration_270509.pdf
Miromesnil Gestion est lié au management. L'offre a donc été faite en accord du management en place.

Si vous avez davantage d'éléments, merci par avance de nous les faire partager.

CDLT,
V & P

Anonyme a dit…

La réalité est que le management d'Auto Escape a sous-estimé les fonds nécessaires pour faire de la croissance externe significative sur des cibles anglo-saxonnes et la levée de fonds s'est donc effectivement révélée insuffisante et inutile. Sans vision stratégique pour utiliser utilement ce cash en interne ou en externe : elle est devenue la proie facile d'un autre fond qui lui est un habitué indutriel du tourisme et qui saura peut-être trouver une vision stratégique cohérente pour cette entreprise.

Fabien Major a dit…

Très instructif votre Blog, je le mets dans mes favoris. Longue vie à Valeur et Profit!

Valeur et Profit a dit…

Merci Fabien pour les encouragements.

Anonyme a dit…

Bonjour juste une question, que se passe t'il pour l'investisseur individuel comme vous et moi, si nous détenons des actions auto escape, et que nous refusons d'apporter nos titres à 2.8 et malgré tout le projet de retrait de la cote est validé ?

En gros => comment savoir ce que valent nos titres ?
Comment et à qui les vendre ?

Sommes nous "otages " de l'actionnaire majoritaire pour sortir de l'entreprise ??

Merci pour votre travail c'est tres interessant

Valeur et Profit a dit…

Bonjour,

En fait, vos titres ont encore une valeur mais ne sont plus négociés sur un marché réglementés. Ce qui veut dire que si vous voulez céder vos titres, vous devez trouver vous-même la contrepartie.

N'aillez pas peur, et si vous êtes confiant dans la société et que un minimum patient, sûr qu'un jour où l'autre une offre sera fait sur les titres AUTOESCAPE : introduction en bourse ou LBO secondaire.

Pour valoriser vos titres, en tant qu'actionnaire vous avez encore accès aux comptes publiés annuellement.

CDLT,
Valeur et Profit