mardi 14 juillet 2009

Ricardo et l'avantage comparatif de l'investisseur individuel


Ricardo est un économiste anglais réputé pour ses publications et démonstrations économiques qu'il présenta tout au long du XIXème siècle.

Dans son ouvrage "Des principes de l'économie politique et de l'impôt" publié en 1817, Ricardo démontre - avec brio - que les nations ont intérêt à se spécialiser dans les domaines d'activité dans lesquels elles recèlent des compétences supérieures. C'est ce qu'il appelle l'avantage comparatif des nations.

Nous allons tenter de résumer cette théorie ici.
Il prend pour exemples deux nations, à savoir le Portugal et l'Angleterre. La première nation produit des vins de bonne qualité vendus à travers toute l'Europe. En effet, le Portugal dispose de terres agricoles en quantité relativement abondante et surtout un climat propice à la culture de la vigne. Alors que l'Angleterre est bien évidemment moins bien acclimatée à ce style de culture. De ce postulat, l'Angleterre a-t'elle un intérêt quelconque à produire ses propres vins qui seront d'une qualité médiocre et faibles en volume ?

Dans une économie fermée, l'Angleterre n'a pas le choix et doit produire elle-même son vin si ses citoyens veulent gouter ce précieux nectar. Ou alors, ils prennent soit le risque d'importer du vin de contrebande ou bien de payer des taxes conséquentes.

Si les deux nations ont conclu un partenariat de libre échange économique, ce qui veut dire que les produits ne subissent aucune taxation particulière ou tout autre discrimination qui découragerait le consommateur, la réponse est totalement différente.

En effet, au XIXème siècle, l'Angleterre est la première puissance mondiale. Son industrie est florissante, sa flotte maritime présente sur tout le globe et ses comptoirs lui rapportent nombre de richesses... dont le coton. La mécanisation et l'importante quantité de filatures en Angleterre lui permettent de produire des textiles à des coûts très faibles. A la même époque, le Portugal est encore une nation faiblement industrialisée et n'a pas les compétences techniques pour produire du textile aussi bon marché que les anglais.

De ce constat, deux questions essentielles se posent. L'Angleterre a-t-elle un intérêt à continuer de produire du vin au lieu de l'acheter aux portugais et le Portugal a-t'il un intérêt à continuer de développer sa proto-industrie textile ?

L'Angleterre a bien évidemment intérêt à produire du textile et le vendre au marché (domestique ou internationale, comme le Portugal par exemple) et acheter avec le bénéfice supérieur tiré de cette vente du vin sur le marché, qui pourrait provenir du Portugal. Idem pour le Portugal qui tirera davantage de profits de la vente de son vin pour lequel le pays aura tout intérêt à se spécialiser pour acheter les produits dont il ne maitrise par la technique sur le marché, tels que les drapts en provenance d'Angleterre.

La conclusion à tirer de cette démonstration est que chaque nation a intérêt à se spécialiser dans la production des biens et services pour lesquels il dispose d’un avantage comparatif, c'est-à-dire pour lesquels le coût relatif est le plus favorable ou le moins défavorable. Toutes les nations peuvent participer à l’échange, car elles ont toutes un avantage comparatif.


Cette théorie de la valeur vaut également pour les investisseurs. Distinguons maintenant deux types d'investisseurs : les institutionnels et les "petits actionnaires" (c'est-à-dire les investisseurs individuels). Chaque type d'investisseur a des caractéristiques propres et des avantages comparatifs par rapport à l'autre dans différents domaines.

Posons les hypothèses.

L'investisseur institutionnel
Cet investisseur gère un fond de plusieurs centaines de millions d'euro, voir des milliards d'euro pour son compte propre ou pour le compte de tiers (compagnie d'assurance, fonds de pension, ...).

Atouts : une équipe de gérants professionnels qui scrutent les marchés en permanence ; des process de sélection de titres ; un suivi régulier.

Contraintes : un portefeuille concentré dans un souci de gestion ; des titres qui doivent être très liquides ; un benchmark de performance permanent avec le marché = vision court terme ; diverses contraintes réglementaires (pour des exemples, vous pouvez lire notre article sur les vendeurs motivés).

L'investisseur individuel
Nous entendons ici par investisseur individuel un individu qui possède les outils techniques et les caractéristiques essentiels à l'investissement en actions, à savoir la patience et un savoir faire dans la sélection de titres.

Atouts : pas de benchmark ; pas de contraintes réglementaires  il peut prendre du recul face au marché (à la hausse comme à la baisse)
Contraintes : confronté à lui-même, il est son propre ennemi ; travail non professionnel : il doit "industrialiser" son approche avec des critères d'évaluations objectifs.

L'actionnaire individuel a une grosse lacune essentielle face à l'investisseur individuel : il n'est pas un professionnel de la finance. Il peut faire des erreurs de calculs ou d'appréciations. C'est pourquoi, le petit porteur doit "faire ses devoirs" et vérifier que toutes les critères essentiels à un investissement sain sont réunis lorsqu'il souhaite acheter un titre.

Une fois que l'investisseur individuel s'est lui-même construit son propre process de sélection de titres et qu'il s'y tient, il a alors des caractéristiques qui lui permettent une souplesse accrue face à l'institutionnel.

Tout d'abord il peut acheter des titres de petites valeurs qui sont forcément délaissées par le marché, puisque les investisseurs institutionnels ne peuvent se permettre d'acquérir 1% d'une entreprise qui a une capitalisation boursière de 100 M EUR, l'équivalent de 1 M EUR s'ils gèrent plusieurs milliards d'euros. Ce serait une perte de temps dans la gestion pour une ligne insignifiante. C'est pourquoi, bien souvent de façon réglementaire, les grands intervenants sur les marchés actions se soucient des midcaps et des smallcaps. En revanche, c'est un vivier pour les petits porteurs.

Un autre point important est le recul qu'il faut prendre par rapport au marché. Bon nombre de gérants de fonds importants sont benchmarkés par rapport à la performance du marché. En France, ce peut être par exemple l'indice CAC40. Ce qui veut dire que tous les 3 mois, le gérant va devoir confronter sa performance avec celle du marché. Ce qui laisse à vrai dire une marge de manœuvre minimum au gérant, qui non seulement ne prendra aucun risques (investir dans des entreprises hors CAC40) et aura peu de chances de surperformer l'indice. C'est souvent contradictoire, quand on pense que des fonds de pension, qui sont censés placer l'argent dans une optique à long terme, répondent à cette obligation bien courtermiste... mais c'est un autre débat. Les gérants de ces grandes structures ne peuvent pas se permettre de s'alléger pendant les périodes d'euphorie ni d'acheter en plein marasme boursier. Ils subissent le marché.

C'est un autre point où l'investisseur solitaire a toutes les cartes en main pour performer : il est son propre contrôle. S'il fait ses devoirs et qu'il garde des critères d'achats et de ventes objectifs, il n'aura aucun problème à acheter en plein creux boursier et revendre au sommet (ou proche des sommets...). En effet, il n'y a rien de plus triste que d'entendre dans la presse lors des plus bas atteints en juin 2009 des "professionnels" qui conseillent de rester à l'écart du marché que "le marché n'a pas encore assez rebondi pour se positionner" ou encore en début 2009 pendant que le marché est en chute libre "qu'il faut s'alléger car en ce moment c'est risqué d'être sur le marché". Est-ce plus risqué d'acheter un titre à 100 EUR avant la chute ou à 60 EUR pendant la chute ?

Si l'actionnaire individuel doit retenir une chose de cet article, c'est qu'il doit se fier à lui et lui seul lors de ses prises de décisions car ce sera à lui-même qu'il devra se plaindre s'il fait des erreurs. Enfin, il ne doit négliger ses incroyables avantages (pas de benchmarks, concentration du portefeuille à souhait, petites valeurs bienvenues, ...) quand il intervient sur les marchés et laisser les commentaires de type généraliste et technique de côté.

Le temps et la rigueur lui donneront raison.

5 commentaires:

dacian a dit…

Bonjour,

je vous propose l'analyse d'une petite small-cap qui offre une decote sur capitaux: PLASTIVALOIRE

D'apres la fiche sur boursorama.com, je peux calculer qq ratio ainsi (je suis debutant, je tiens a preciser)

actif net par action = 39.5 euros

dette totale par action = 39.9 euros

le net-net = -0.4 euros

le ratio de solvabilite (d'apres la formule de nos amis de chez "Daubasses") = 58%

VAT/action = 44 euros (je ne trouve pas le goodwill et les actifs intangibles, donc il est possible que ce ratio est plut petit)

VAT/cours = 3.66 donc un potentiel d'apreciation de 366%

Si vous voulez jetez un oeuil sur ce titre et partagez votre opinion, ca serait interessant.

merci d'avance

dacian a dit…

Pardon, le potentiel est de 266%...

Valeur et Profit a dit…

Bonjour Dacian,

Les fonds propres sont constitués essentiellement d'immobilisations coporelles. Hors pour un industriel, c'est souvent : les locaux qui abritent les outils de productions + ces outils.

Dans un secteur en perte de vitesse, il se peut que leur valeur marchande soient beaucoup plus faible que ce qui est indiqué dans les comptes.

Allez fouiller dans les comptes de la société et tenez nous au courant de l'origine de ces 102 M EUR d'immobilisations corporelles.

CDLT,
Valeur et Profit

bargain hunter a dit…

Dans l'article "Une bombe chinoise dans votre portefeuille" du jeudi 30 juillet 2009 09:00 et qui a mystérieusement disparu vous écrivez :

A un cours de 4,57 USD, l'entreprise est valorisée 132,8 M USD.

Je pense qu'il y a une coquille : a 4.57 USD, l'entreprise est valorisée à 398.3 M USD.
Et oui le nombre d'actions est de 87,536,189 (page 12) du 1Q09

Je pense que votre chiffre vient de boursorama (et est donc bien souvent faux :) )

Du coup si cela s'avère juste, cela remet pas mal de chose en cause dans votre article ...

Valeur et Profit a dit…

bonjour Bargain hunter,

Non, les chiffres ne provenaient pas de Boursorama mais de Google Finance.

Cette petite mésaventure démontre à quelle point il est essentiel de recouper systématiquement le moindre chiffre. Dans le cas présent, la capitalisation boursière se retrouvait multiplier par plus de 3x ...

Heureusement, nous avions une autre pépite en stocks.

N'hésitez à laisser vos commentaires.

CDLT,
Valeur & Profit